Pour les grands groupes internationaux comme Pepsico,
les parties prenantes locales permettent d'ailleurs de garder une vision fine
des impacts du groupe car, comme le rappelle Jean-Baptiste Léger,
les enjeux ne sont pas du tout les mêmes d'un site à l'autre.
Alexandra Palt insiste sur un point, comme pour le business,
l'entreprise doit se donner des objectifs ambitieux en matière de développement
durable ; et c'est le propre d'une vision développement durable de donner un horizon
qui ne résulte pas de ce qui est possible, au vu de tous les éléments disponibles,
mais de ce qui est souhaitable, pour répondre au mieux aux enjeux mondiaux.
Charge à l'entreprise, ensuite, de se donner les moyens d'y arriver.
Ceci a permis à L'Oréal de diminuer,
par exemple, de 56 % son empreinte carbone, entre 2005 et 2015,
malgré une augmentation de 26 % du chiffre d'affaire, et donc une augmentation
très significative de sa production et de produits mis sur le marché.
Penchons-nous à présent sur l'analyse de matérialité,
qui met en lien parties prenantes et impacts.
Karine Hillaireau, du groupe PSA, explique ainsi que l'identification des enjeux
d'une entreprise provient d'un état des lieux, et d'une écoute de l'écosystème de
l'entreprise, qui permettent de dégager les attentes des parties prenantes et donc
les enjeux prioritaires de l'entreprise en matière d'environnement et de société.
En effet, pour elle, ce qui est matériel pour une entreprise
est ce qui compte pour les parties prenantes.
La maîtrise de matérialité, qui croise les attentes des parties prenantes et le
souci de performance économique de l'entreprise,
est un outil utilisé par beaucoup de directions RSE pour classer leurs impacts,
et les traiter en fonction de leur importance.
Tous sont identifiés et pris en compte, mais certains donnent lieu à des
indicateurs de suivi, et des plans d'action bien spécifiques.
Ainsi chez Atos l'analyse de matérialité menée en 2010 avait fait émerger fortement
le sujet de l'énergie et des gaz à effet de serre.
Cela a été le point de départ d'un plan d'action très ambitieux qui a permis à
l'entreprise de diminuer de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre,
et de prendre l'engagement de suivre la trajectoire dessinée par les scientifiques
du Dgec pour rester en dessous des deux degrés d'augmentation
de la température terrestre.
Otto Kern, consultant au département développement durable de Deloitte,
explique que la matérialité est au cœur des travaux de vérifications RSE.
Les 42 thématiques sociales et environnementales analysées sont,
dans une première étape, classées comme, non pertinentes,
pertinentes ou matérielles, pour l'entreprise auditée.
Il n'y aura pas d'attente d'informations sur les premières, peu sur les secondes,
et c'est sur les thématiques dites, matérielles, que l'entreprise devra
fournir données détaillées et éléments d'explications les plus précis possibles.
Les éléments clés pour une analyse de matérialité sont le secteur d'activité de
l'entreprise, ses territoires d'implantation,
son processus industriel et son contexte économique.
La matérialité d'une même entreprise pourra ainsi évoluer de façon
conjoncturelle, les thématiques ressources humaines deviendront, par exemple,
matérielles, dans un contexte de plan social.
Enfin, il faut se dire qu'un sujet peut être suivi et analysé,
même s'il ne représente pas un impact quantitativement très significatif,
s'il apparaît comme essentiel à une partie prenante.
C'est ainsi que la question des déchets a été retenue par Eurazeo,
pour les entreprises dans lesquelles Eurazeo est actionnaire,
parce que cet enjeu apparaissait comme prioritaire aux clients des hôtels.
Pour conclure, on voit, au travers de ces témoignages, que les méthodes de prise en
compte des parties prenantes, d'identification des facteurs d'impacts,
de mesure des impacts, et d'analyse de leur matérialité,
vont vers une sophistication et une complexité croissantes.
Cette sophistication et cette complexification,
disons aussi cette professionalisation des méthodes, sert notamment quatre objectifs.
Un, avoir une vision globale de l'impact d'un produit
ou d'un service sur son environnement social et naturel,
ce qui implique de bien connaître son modèle de création de valeur.
Deux, aller vers une ambition RSE,
assumée et partagée à hauteur des ambitions business de l'entreprise.
Trois, attribuer une valeur monétaire aux initiatives en faveur de l'environnement
et de la société, pour faire la preuve de leur légitimité dans le cadre du business.
Et enfin, quatre, contribuer à la création de valeur pour l'entreprise même,
mais également pour ses parties prenantes, telles