[MUSIQUE] Dans ce deuxième épisode,
nos témoins s'intéressent à deux sujets : la différence mutualiste dans la façon
d'assurer les biens et les personnes, et les grands chocs réglementaires
qui ont bousculé les mutuelles ces dix dernières années.
Alors, commençons par la question centrale et fondatrice
de la différence mutualiste dans la façon d'assurer les biens et les personnes.
Pour cette question,
deux grands thèmes sont abordés : la gouvernance et la gestion des contrats.
La gouvernance est bien sûr au cœur de la différence mutualiste,
et nous reviendrons dans le cours Allons plus loin sur ses caractéristiques.
En préambule, je vous propose de revenir sur la définition de la mutualité
donnée par Thierry Beaudet, président de la FNMF.
Je cite : Une manière d'entreprendre, l'idée simple d'hommes et de femmes
qui s'associent, considérant qu'il est des aléas de la vie qui dépassent les
possibilités de la personne seule, ceci dans un cadre désintéressé, non lucratif.
Le décor est donc planté.
Nous pouvons observer au travers des témoignages que le système démocratique
peut être organisé de façon différente selon les mutuelles.
Ainsi, à la MACIF, la représentation des sociétaires
s'articule autour de quatre grands collèges : un collège lié aux origines de
la mutuelle représentant les professionnels indépendants,
un collège issu des cinq syndicats représentatifs au sens de la loi,
un collège issu de l'économie sociale et solidaire incluant des représentants des
mondes associatif et coopératif, et enfin, depuis peu, une composante constituée
de sociétaires élus directement sans appartenance particulière.
Pierre-Yves Gomez, professeur de stratégie à EMLYON et directeur de l'Institut
Français de Gouvernement des Entreprises, insiste sur la puissance de ce
modèle de gouvernance dans un contexte où le modèle actionnarial montre ses limites.
Ce modèle permet une convergence entre les projets
et ceux qui prennent les décisions.
Il s'inscrit parfaitement dans les logiques collaboratives émergentes.
Vincent Loiseil,
directeur général de la MAPA, exprime lui aussi ses convictions quant aux forces de
l'entreprise mutualiste : là où l'entreprise capitaliste peut être vendue
ou achetée sans tenir compte de son ancrage d'origine, l'entreprise mutualiste
s'inscrit au contraire dans une histoire collective qui, quoi qu'il arrive,
continue d'exister tant que le besoin collectif existe.
Quant à Jérôme Saddier,
président de l'AVISE, il a la conviction que le modèle de gouvernance mutualiste
est pertinent dans un univers concurrentiel si le temps long,
le souci de la relation et l'innovation l'emportent sur le temps court.
Pierre-Yves Gomez souligne malgré tout la nécessité de
faire revenir les sociétaires, selon son expression, c'est-à-dire faire en sorte
que les sociétaires mettent en œuvre le pouvoir de décision qui est le leur par
leur participation, c'est-à-dire par le vote et l'implication dans les instances
de gouvernance, tout cela pour retrouver la vertu pleine et entière du modèle.
C'est aussi ce qu'exprime Dominique Mahé,
président de la MAIF, qui insiste sur la nécessité d'inscrire le temps du vote dans
une continuité de relation, en ayant une véritable animation de la communauté MAIF.
C'est aussi ce sur quoi insiste Adrien Couret lorsqu'il pointe l'enjeu
de rajeunissement et de féminisation des sociétaires.
Autre enjeu fort :
faire vivre la différence mutualiste sur le terrain et la rendre visible.
À la MACIF, cela passe,
entre autres, par les agendas mutualistes qui, à l'échelon d'une région, organisent
des événements autour de questions comme la prévention, par exemple.
Jérôme Saddier pointe le maillon faible du modèle de gouvernance : le temps de
la décision dans une gouvernance démocratique long qui diminue l'agilité.
Ce point faible doit être compensé par de nouvelles modalités d'engagement,
voire de militantisme.
L'élu local doit devenir une personne ressource,
un acteur de la prévention de premier niveau dans son environnement proche.
Adrien Couret évoque aussi la nécessité de valoriser davantage
les actions via les réseaux sociaux.
Au-delà de cette gouvernance démocratique,
et en lien avec elle, la différence mutualiste s'incarne bien sûr dans l'offre
et les services proposés par les mutuelles.
Tout d'abord, et ce point est souligné par l'ensemble des témoins,
c'est cette démocratie interne qui permet d'être à l'écoute,
au plus près du terrain, des nouveaux besoins,
et de mettre en place de nouveaux contrats et/ou de nouveaux services.
Philippe Perrault précise ainsi que les données issues des objets connectés,
par exemple dans le cadre des actions de prévention menées pour les jeunes,
n'aboutiront pas, comme chez certains concurrents,
à une individualisation des contrats, avec des cotisations majorées ou minorées
selon les pratiques de conduite, mais bien à un accompagnement individuel vers de
meilleures pratiques et à une évolution collective des offres et services.
Vincent Loiseil montre lui comment une mutuelle professionnelle met en place des
actions qui répondent aux besoins les plus prégnants de ses sociétaires.
Dans le cas des commerçants de bouche, il s'agit pour la mutuelle
d'aider le sociétaire à rouvrir au plus vite son commerce après un sinistre.
Enfin, Claude Tarall, président de la Carac, évoque les conseillers mutualistes,
dont le rôle de présence et d'écoute auprès des adhérents
est un élément clé d'attractivité de son entreprise.
Abordons enfin, comme dernier exemple de la différence mutualiste, celui des
cotisations variables, déjà évoqué par Pascal de Murger dans le premier épisode.
Les années de faible sinistralité vont amener la mutuelle à bloquer les tarifs
l'année suivante ou à accorder des ristournes.
Symétriquement, des catastrophes naturelles,
comme les tempêtes de Noël 1999, citées par Dominique Mahé,
pourront a contrario générer un rappel exceptionnel de cotisations
pour permettre à la mutuelle de faire face à ses engagements financiers.
C'est l'application du principe du sociétaire qui est simultanément
assureur et assuré.
Soulignons enfin, avec Thierry Beaudet, que les mutuelles, d'une part, ont une
attention particulière aux personnes les plus fragiles, qui ne seront donc pas
discriminées du fait de cette fragilité, et, d'autre part, que les mutuelles se
positionnent sur des secteurs sur lesquels il n'y a pas forcément d'argent à gagner,
comme les centres de soins en zone rurale ou au sein d'un quartier défavorisé.
Jérôme Saddier avance d'ailleurs l'idée que les mutuelles doivent faire
la preuve de leur impact vertueux sur la société, et notamment sur les territoires,
en mettant en place des démarches de mesure de leur impact social.
Nous terminerons cette séquence avec le second
grand sujet traité dans cet épisode,
à savoir l'impact des grandes réformes réglementaires des dix dernières années :
l'ANI, Accord National Interprofessionnel, Solvabilité II et la loi Hamon, dont nous
verrons le contenu précis dans la séquence "Allons plus loin" de cet épisode.
Jean-Jacques Berthelé explique néanmoins, de façon très pédagogique et précise,
ce qu'est Solvabilité II et ce que cette réglementation européenne vise,
à savoir garantir la capacité des acteurs de l'assurance, lucratifs ou pas,
à tenir leurs engagements auprès de leurs clients,
adhérents, sociétaires, selon le vocabulaire choisi.