Je crois que la complexité des institutions européennes c'est pas uniquement une affaire de la structure ou de la multitude des institutions, ce qui est vrai mais c'est souvent le cas aussi pour les institutions nationales, le citoyen lambda il ne connait pas la constitution française par cœur. La complexité elle est aussi du fait, parfois, de la difficulté de lire les décisions. Quand est-ce? Qui prend telles décisions pour l'Union européenne? Et là, les journalistes, on le send aussi, ont du mal à savoir est-ce que c'est quand la Commission fait une proposition, est-ce que c'est quand les ministres et le Parlement se saisissent ou est-ce que c'est quand il y a un sommet des chefs d'état et de gouvernement qui se réunissent. Là de façon très visible, on sent qu'il y a des décisions qui sont prises. Non, je pense que avec la nouvelle équipe qui prend sa place avec Donald Tusk, avec Jean-Claude Juncker, avec Federica Mogherini, en effet c'est vrai le nouveau cycle qui s'ouvre et un ancien qui se clôt. C'est important aussi parce que les cinq années derrière nous étaient quand même des années difficiles pour l'Europe, des années de crise où les équipes en place avec les gouvernements nationaux ont œuvré dur pour surmonter la crise financière notamment. Et je crois que pour les citoyens aussi c'est important qu'il y a un renouvellement, des nouveaux visages qui peuvent incarner peut-être de nouveaux espoirs ou en tout cas incarner d'une nouvelle façon l'Europe. Oui, je crois que toute comme l'équipe précédente, tous les trois sont très conscients du fait qu'il faut bien travailler ensemble. Entre le président du Conseil européen, c'est un personnage que moi je connais bien puisque j'ai travaillé pour le précédent pendant cinq ans, avec le président de la Commission, c'est les deux grands acteurs maintenant à Bruxelles, mais aussi entre le président du Conseil européen et la Haute Représentante pour les affaires étrangères pour bien diviser le travail ente eux au niveau international. Qui parle à qui? Par exemple, le président du Conseil européen, ses interlocuteurs c'est plutôt au niveau des présidents et premiers ministres étrangers. Par exemple, c'est lui qui, le premier jour quand il a pris sa fonction, il a appelé le président Obama. La Haute Représentante, Federica Mogherini, qui est là aussi depuis peu de temps maintenant, elle ça serait plutôt pour le secrétaire des affaires étrangères qu'elle appelait. Non je crois que les deux rôles qui sont dans cette fonction de présidence du Conseil européen, celui qui préside en tant que chairman et celui qui incarne l'Europe en tant que président, seront là toujours et resteront là ancrés tous les deux. Ça dépendra ensuite de la personnalité et aussi du moment lequel des deux rôles primera. C'est un débat qui remonte même au moment de la discussion sur la nouvelle constitution et l'idée qu'il fallait un président européen très fort était surtout très présente en France, je dois dire, beaucoup moins dans d'autres pays. Parce que ici en France, vous avez la Cinquième République, avec un président très fort et certains dont l'ancien président, Valéry Giscard d'Estaing, qui était un peu le maître d'ouvrage de cette constitution, avait voulu inscrire cette vision française aussi sur le plan européen mais c'était une vision qui n'était pas du tout partagée par d'autres pays qui voulaient plutôt un personnage qui ne fasse pas trop d'ombre par exemple au président de la Commission. Je crois que le président [INAUDIBLE] qui était le premier à avoir ce poste, il a pris en effet son rôle plutôt comme homme de compromis, de facilitateur d'un consensus, mais il a tout de même aussi fait ce qu'il fallait faire au niveau international, donc on n'y échappe pas de toute façon au côté président dans la politique et dans la géopolitique européenne. Je crois que le nouveau mode de désignation du président de la Commission ne change pas fondamentalement le rapport entre les institutions, voire entre les institutions et les états membres. Il y a eu en effet aussi une tentative du Parlement européen de forcer un peu la main dans la nomination, l'élection de Jean-Claude Juncker, donc on va voir ce que ça donnera pour le rapport entre le Parlement et la Commission dans le cycle législatif qui s'ouvre. Mais fondamentalement, ça ne change pas ce que fait, ce que peut faire un président de la Commission. Il est là avec un certain rôle, une certaine compétence et l'élection ne le change pas. Il y a même le risque que ça crée des attentes qu'ensuite on ne peut pas, auxquelles on ne peut pas satisfaire en quelque sorte, parce que on fait comme si le président de la Commission serait du coup, aurait une légitimité politique beaucoup plus forte pour aussi forcer des choix politiques, tandis que il doit toujours travailler dans le même contexte, mettre 28 pays d'accord. Donc cette innovation est intéressante mais elle a sans doute des avantages mais aussi des inconvénients, elle peut créer un peu de confusion même. Je crois qu'il faut considérer que le président du Conseil européen il représente, quand il réussit, aussi les citoyens européens dans leur ensemble et dans leur capacités nationales puisque si il est réussi, il peut parler au nom de 28 chefs d'état et de gouvernement qui parlent chacun au nom de 28 populations. Le président de la Commission, quant à lui, il peut parler au nom des européens dans leur capacité européenne qui est une identité politique, malheureusement peut-être, mais moins forte, plus faible. Et ça détermine en partie aussi les rapports institutionnels et les rapports de pouvoir entre les deux hommes. Le besoin de l'Europe, comme d'ailleurs de tout ordre politique, de trouver son public est existentiel. Sans un public il y a pas de politique au sens propre, il restera que de la bureaucratie. Et comme j'explique dans mon livre Le passage à l'Europe, il y a beaucoup de façons dont l'Europe a cherché de trouver ce public par le biais d'une politique d'identité, en donnant des avantages, mais aussi par des biais, par un biais institutionnel, admettons, les élections, etc. Ça était important mais en même temps, dans la phase où nous sommes actuellement, personnellement, je ne crois pas que là on peut attendre la vrai percée. Parce que les attentes des citoyens, les déceptions aussi, voire déchantement vis-à-vis de l'Europe va beaucoup plus loin que la mécanique à Bruxelles. Ça a trait plutôt à ce que fait l'Union européenne, des choses dont elle s'occupe ou s'occupe pas. Il y a des gens qui voudraient que l'Europe fasse plus dans le social par exemple, d'autres qui disent que l'Europe est trop intrusive, qui voudraient qu'elle se rétrécisse dans le domaine qu'elle occupait auparavant. Et je crois que ce désenchantement du public peut régner par des questions de substance que par telle ou telle personnalité. Moi, je crois que pour regagner un peu la confiance des gens, pour combattre ce nouveau désenchantement, il est important que l'Union européenne ne soit pas uniquement perçue comme un lieu des libertés, un lieu où tout le monde peut bouger d'un pays à l'autre, les capitaux, les personnes, etc, mais, ce qui a été très bien, un grand résultat, mais que l'Europe est aussi perçue comme un lieu où les gens peuvent être protégés et que elle ne soit pas perçue comme menace des lieux de protection, que ce soit des états-providences, ou autres éléments. Je crois que ça ça joue très profondément par rapport aux attentes publiques.