Donc voilà imaginaire de la frontière,
imaginaire de ces concepts, manière d'en parler, manière de les réfléchir,
c'est aussi des imaginaires qui construisent notre vision du monde.
>> Juliet j'ai deux questions ou demandes de précisions.
La première, tu as parlé de différents termes en anglais pour parler de la
frontière, border, boundary, tu n'as pas parlé du terme frontier qui existe aussi.
Est-ce que tu pourrais expliquer un peu à nos étudiants,
à nos étudiantes francophones ce que signifient ces mots plus exactement?
Et puis ensuite tu parles du mythe de la frontière naturelle.
Alors j'ai cru comprendre que c'est un mythe auquel tu n'adhérais pas.
Mais est-ce que tu pourrais nous dire un peu plus sur ce que ça a été,
une frontière naturelle, comment on y a cru, peut-être en donnant un exemple?
Alors merci.
Pour revenir à ces termes, évidemment on pourrait discuter longtemps.
Différents auteurs les utilisent différemment.
Mais globalement en anglais, le terme de border,
c'est celui peut-être qu'on retrouve le plus comme étant la frontière d'état.
Il y a une grande tradition de géographie politique anglophone qui s'intéresse
vraiment aux états,
donc vraiment dans une posture proche d'une science politique de l'état.
Et donc border dans ce sens-là, ça pourrait être ça.
Boundary, on pourrait peut-être le rapprocher du terme de limite.
Quelque chose qui serait plus général,
qui pourrait s'appliquer à des objets qui ne sont pas l'état.
Donc ça, ce serait une distinction.
Et puis ce terme de frontier qui là pour le coup est
extrêmement différent de l'idée de frontière.
Frontier, c'est vraiment un terme qu'on retrouve dans des contextes
de front pionnier, par exemple en Amérique du nord.
Donc vraiment cette idée que la frontier, c'est l'espace qu'on va progressivement
civiliser, donc très lié à une idée coloniale,
une idée impérialiste, d'amener une certaine conception du monde
dans des terrains qui seraient vides ou qui seraient entre guillemets barbares.
Donc un terme très fortement connoté,
qu'on retrouve finalement relativement peu dans une géographie anglophone
de nos jours puisqu'on est moins à étudier ce genre d'objets.
Donc qui là aussi seraient historiquement assez situés et certainement assez
connotés.
Pour revenir à l'idée de frontière naturelle, effectivement,
tu as rappelé que c'est quelque chose à laquelle je n'adhère pas,
mais je pense que c'est vraiment un mythe important qui cherche,
dans l'idée de frontière naturelle, à dire qu'il y a quelque chose de
l'essence du politique qui serait inscrit dans une matérialité.
Et donc une frontière naturelle, qu'est-ce que ça serait?
Par exemple, ça serait l'idée qu'un état reflète une topographie particulière.
Donc c'est une idée qui est très fortement partagée.
J'imagine, ma grand-mère anglaise,
pour elle il n'y a aucun doute que la Grande-Bretagne est un état naturel,
dicté par le fait qu'elle est une île et donc l'identité britannique
provient de cette existence même des îles britanniques.
Alors évidemment, lorsqu'on regarde par exemple une histoire compliquée
avec l'Irlande, l'Irlande du Nord, avec la république d'Irlande, on se rend bien
compte que là on a quelque chose qui ne se détermine pas du tout par la nature.
Mais je pense que c'est l'idée extrêmement forte qu'on
a des éléments du monde naturel qui vont dicter le politique.
Et donc c'est une idée qu'on retrouve dans toutes sortes de différents domaines.
C'est une idée très, très forte.