[MUSIQUE] Alors parmi les couplages qui ont permis de produire des développements théoriques, il y a le couplage frontière et nature, couplage d'ailleurs d'un type très particulier puisqu'il a aussi donné le mythe de la frontière naturelle dont Juliet Fall va nous parler. >> Merci. Ce qui est intéressant avec tous ces différents couplages, cette idée de frontière naturelle est une notion intéressante parce qu'elle permet peut-être un tout petit peu de nuancer ce qu'on a présenté au départ comme étant quelque chose du passé, un essentialisme et on serait arrivé dans l'ère du constructivisme qui serait notre posture collective. Et avec cette figure de la frontière naturelle, on se rend compte qu'il y a des vieilles idées qui ne partent pas. Et cette idée qu'on aurait quelque chose d'essentiel qui définirait par exemple les limites des états, qu'on aurait quelque chose d'essentiel dans les nations et que certaines nations qui ne fonctionnent pas sont des nations artificielles, est quelque chose qui joue beaucoup sur cette idée d'une frontière naturelle. Et donc c'est une figure qu'on retrouve beaucoup, cette idée que le politique est défini par une matérialité. Et donc ça c'est un de ces mythes géographiques qu'on retrouve dans différents domaines du social. Autre mythe autour de la frontière, l'idée d'un monde sans frontières. C'est aussi quelque chose qui revient. Alors on a discuté du monde sans frontières, de la globalisation, pour ensuite la remettre en question en disant, eh bien finalement non, en fait maintenant on est dans une ère où on érige des murs, où on reconstruit une matérialité qui limite les déplacements. Et donc ce qu'on voit dans toutes ces figures de la frontière, c'est qu'elles coexistent, elles s'affrontent, et donc même si on a une posture constructiviste, eh bien il y a dans le monde social toute une série d'essentialismes qui réapparaissent. Et donc il s'agit de discuter. Et donc comme on se rend compte que c'est des débats globaux, on a des géographies différentes. Alors ici on parle beaucoup d'une géographie francophone parce que c'est la langue dans laquelle on fonctionne et il y a beaucoup de nos ouvrages qu'on a présentés ici qui sont francophones, mais il y a évidemment toutes sortes d'autes géographies. Toute discipline scientifique maintenant elle est également globalisée. Et donc dans les différents ouvrages qu'on peut lire, on a aussi d'autres manières de parler de la frontière, qui reposent sur d'autres vocabulaires, qui mobilisent d'autres notions. Simplement frontière, limite en géographie anglophone on va parler de border studies, de boundary, on a toute une série d'autres termes qui eux-mêmes mobilisent des imaginaires différents. Et donc si on a beaucoup écrit sur la différence entre la notion de frontière, comme étant différente de la notion de border ou de boundary, ça se trouve aussi dans des distinctions entre ce qui est, en français, le territoire et une notion comme territory en anglais. Donc il y a aussi tout une globalisation des disciplines, qu'il s'agit un petit peu d'apprivoiser. Même si ce module-ci traite surtout des termes en français. Donc voilà imaginaire de la frontière, imaginaire de ces concepts, manière d'en parler, manière de les réfléchir, c'est aussi des imaginaires qui construisent notre vision du monde. >> Juliet j'ai deux questions ou demandes de précisions. La première, tu as parlé de différents termes en anglais pour parler de la frontière, border, boundary, tu n'as pas parlé du terme frontier qui existe aussi. Est-ce que tu pourrais expliquer un peu à nos étudiants, à nos étudiantes francophones ce que signifient ces mots plus exactement? Et puis ensuite tu parles du mythe de la frontière naturelle. Alors j'ai cru comprendre que c'est un mythe auquel tu n'adhérais pas. Mais est-ce que tu pourrais nous dire un peu plus sur ce que ça a été, une frontière naturelle, comment on y a cru, peut-être en donnant un exemple? Alors merci. Pour revenir à ces termes, évidemment on pourrait discuter longtemps. Différents auteurs les utilisent différemment. Mais globalement en anglais, le terme de border, c'est celui peut-être qu'on retrouve le plus comme étant la frontière d'état. Il y a une grande tradition de géographie politique anglophone qui s'intéresse vraiment aux états, donc vraiment dans une posture proche d'une science politique de l'état. Et donc border dans ce sens-là, ça pourrait être ça. Boundary, on pourrait peut-être le rapprocher du terme de limite. Quelque chose qui serait plus général, qui pourrait s'appliquer à des objets qui ne sont pas l'état. Donc ça, ce serait une distinction. Et puis ce terme de frontier qui là pour le coup est extrêmement différent de l'idée de frontière. Frontier, c'est vraiment un terme qu'on retrouve dans des contextes de front pionnier, par exemple en Amérique du nord. Donc vraiment cette idée que la frontier, c'est l'espace qu'on va progressivement civiliser, donc très lié à une idée coloniale, une idée impérialiste, d'amener une certaine conception du monde dans des terrains qui seraient vides ou qui seraient entre guillemets barbares. Donc un terme très fortement connoté, qu'on retrouve finalement relativement peu dans une géographie anglophone de nos jours puisqu'on est moins à étudier ce genre d'objets. Donc qui là aussi seraient historiquement assez situés et certainement assez connotés. Pour revenir à l'idée de frontière naturelle, effectivement, tu as rappelé que c'est quelque chose à laquelle je n'adhère pas, mais je pense que c'est vraiment un mythe important qui cherche, dans l'idée de frontière naturelle, à dire qu'il y a quelque chose de l'essence du politique qui serait inscrit dans une matérialité. Et donc une frontière naturelle, qu'est-ce que ça serait? Par exemple, ça serait l'idée qu'un état reflète une topographie particulière. Donc c'est une idée qui est très fortement partagée. J'imagine, ma grand-mère anglaise, pour elle il n'y a aucun doute que la Grande-Bretagne est un état naturel, dicté par le fait qu'elle est une île et donc l'identité britannique provient de cette existence même des îles britanniques. Alors évidemment, lorsqu'on regarde par exemple une histoire compliquée avec l'Irlande, l'Irlande du Nord, avec la république d'Irlande, on se rend bien compte que là on a quelque chose qui ne se détermine pas du tout par la nature. Mais je pense que c'est l'idée extrêmement forte qu'on a des éléments du monde naturel qui vont dicter le politique. Et donc c'est une idée qu'on retrouve dans toutes sortes de différents domaines. C'est une idée très, très forte. Et donc quelque part il suffirait de choisir les bons éléments du monde naturel, la chaîne de montagne adéquate, le rivage, le fleuve, et que si on a les bonnes frontières naturelles, on va avoir la bonne entité politique qui va être gouvernable. Et ça évidemment, dans ce module on va essayer de le décrypter, notamment le module que je fais avec Anne, on essaie de partir de, en quoi la frontière naturelle repose sur une certaine conception aussi parce que c'est la nature. Comment est-ce qu'on en vient, à partir de cette matérialité, de créer du politique. >> Très intéressant. Juliet, j'ai deux questions ou demandes de précisions. La première, tu as parlé de différents termes en anglais pour parler de la frontière, border, boundary, tu n'as pas parlé du terme frontier qui existe aussi. Est-ce que tu pourrais expliquer un peu à nos étudiants, à nos étudiantes francophones ce que signifient ces mots plus exactement? Et puis ensuite tu parles du mythe de la frontière naturelle. Alors j'ai cru comprendre que c'est un mythe auquel tu n'adhérais pas. Mais est-ce que tu pourrais nous dire un peu plus sur ce que ça a été, une frontière naturelle, comment on y a cru, peut-être en donnant un exemple? Alors merci. Pour revenir à ces termes, évidemment on pourrait discuter longtemps. Différents auteurs les utilisent différemment. Mais globalement en anglais, le terme de border, c'est celui peut-être qu'on retrouve le plus comme étant la frontière d'état. Il y a une grande tradition de géographie politique anglophone qui s'intéresse vraiment aux états, donc vraiment dans une posture proche d'une science politique de l'état. Et donc border dans ce sens-là, ça pourrait être ça. Boundary, on pourrait peut-être le rapprocher du terme de limite. Quelque chose qui serait plus général, qui pourrait s'appliquer à des objets qui ne sont pas l'état. Donc ça, ce serait une distinction. Et puis ce terme de frontier qui là pour le coup est extrêmement différent de l'idée de frontière. Frontier, c'est vraiment un terme qu'on retrouve dans des contextes de front pionnier, par exemple en Amérique du nord. Donc vraiment cette idée que la frontier, c'est l'espace qu'on va progressivement civiliser, donc très lié à une idée coloniale, une idée impérialiste, d'amener une certaine conception du monde dans des terrains qui seraient vides ou qui seraient entre guillemets barbares. Donc un terme très fortement connoté, qu'on retrouve finalement relativement peu dans une géographie anglophone de nos jours puisqu'on est moins à étudier ce genre d'objets. Donc qui là aussi seraient historiquement assez situés et certainement assez connotés. Pour revenir à l'idée de frontière naturelle, effectivement, tu as rappelé que c'est quelque chose à laquelle je n'adhère pas, mais je pense que c'est vraiment un mythe important qui cherche, dans l'idée de frontière naturelle, à dire qu'il y a quelque chose de l'essence du politique qui serait inscrit dans une matérialité. Et donc une frontière naturelle, qu'est-ce que ça serait? Par exemple, ça serait l'idée qu'un état reflète une topographie particulière. Donc c'est une idée qui est très fortement partagée. J'imagine, ma grand-mère anglaise, pour elle il n'y a aucun doute que la Grande-Bretagne est un état naturel, dicté par le fait qu'elle est une île et donc l'identité britannique provient de cette existence même des îles britanniques. Alors évidemment, lorsqu'on regarde par exemple une histoire compliquée avec l'Irlande, l'Irlande du Nord, avec la république d'Irlande, on se rend bien compte que là on a quelque chose qui ne se détermine pas du tout par la nature. Mais je pense que c'est l'idée extrêmement forte qu'on a des éléments du monde naturel qui vont dicter le politique. Et donc c'est une idée qu'on retrouve dans toutes sortes de différents domaines. C'est une idée très, très forte. Et donc quelque part il suffirait de choisir les bons éléments du monde naturel, la chaîne de montagne adéquate, le rivage, le fleuve, et que si on a les bonnes frontières naturelles, on va avoir la bonne entité politique qui va être gouvernable. Et ça évidemment, dans ce module on va essayer de le décrypter, notamment le module que je fais avec Anne, on essaie de partir de, en quoi la frontière naturelle repose sur une certaine conception aussi parce que c'est la nature. Comment est-ce qu'on en vient, à partir de cette matérialité, de créer du politique. [MUSIQUE]