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[MUSIQUE] >> Clémence Lehec, on
vient de voir un film qui est tiré de ton travail de master mais qui participe aussi
du travail que tu es en train de réaliser actuellement dans le cadre de ta thèse,
où tu documentes des processus de fragmentation
territoriales liés à la construction du mur entre Israël et Palestine.
En quoi la construction de ce mur est aussi une frontière urbaine?
>> Alors, ce qu'il faut savoir c'est que le mur de séparation à été construit par,
et sur une décision prise unilatéralement de l'état israélien.
La décision date de 2002 et puis la construction ensuite a débuté.
La portion de mur que j'ai particulièrement étudié,
se trouve au sud de Jérusalem, au niveau de la banlieue de
Jérusalem qui conduit à Bethléem, ville palestinienne.
Si on se situe dans un espace intra-urbain,
c'est que en fait il y a une continuité du bâti, quasi continu en
fait et le mur vient véritablement rompre cette continuité du bâti.
D'autant plus que la portion dont vous avez vu un extrait est vraiment sinueuse,
et le tracé, ce qui a présidé au tracé de cette portion du mur de séparation,
et le fait que se trouve un lieu sain, à savoir la tombe de Rachel,
que les israéliens ont donc gardé côté israélien, en permettant un accès par une
route de contournement, et le site est véritablement protégé par un serpentin qui
vient englober la tombe de Rachel elle-même dans le territoire israélien.
Elle est donc inaccessible du côté palestinien et le mur de séparation côté
palestinien vient vraiment jusqu'au plus près des habitations.
Dans cet espace en fait, il vient couper une route qui était un axe routier majeur,
qui reliait Jérusalem à la ville d'Hébron, en passant par Bethléem et en coupant cet
axe, le mur de séparation est parfois venu se placer au milieu de l'axe
voire à seulement un mètre des maisons et il y a certaines maisons du tissu urbain
palestinien qui sont entourées par le mur de séparation de trois côtés.
Il n'y plus aucune ouverture, en fait, sur un quelconque paysage.
>> Et dans le cadre de ton travail, tu t'es intéressée à la transformation des
pratiques des habitants liée à l'arrivée de ce mur.
>> Alors, ce qui m'a intéressé c'était de questionner ce qui se passe sur le
mur parce que depuis à peu près 2005-2006,
des personnes sont venues peindre sur ce mur.
Et comme vous l'avez vu, aujourd'hui il est complètement saturé de graffitis,
ou d'expression artistique ou street-artistique en toutes sortes et
c'est vraiment un phénomène qui est très important et je me suis interrogée un peu
sur qui étaient les personnes qui venaient peindre sur ce mur.
Ce qu'il faut savoir c'est que malgré ce qu'on pourrait imaginer, c'est pas du tout
les personnes qui habitent au plus près de ce mur qui viennent peindre
dessus mais au contraire ce sont des personnes qui vivent à l'étranger.
Il y a beaucoup d'européens, des américains, aussi qui se déplacent, qui
font le déplacement jusqu'en Palestine, jusque dans la ville de Bethléem mais
aussi dans d'autres endroits, par exemple à Ramallah, pour venir peindre sur le mur.
En faisant des interviews, un street artist me disait même que ça pouvait
représenter la Mecque du street-art pour les praticiens de cet art.
Après ça, je me suis intéressée aussi aux détournements qui sont faits de ces
graffitis, il faut savoir qu'il y a vraiment un débat très fort au sein de la
société palestinienne quant à savoir s'il faut ou non aller peindre sur ce mur
et une certaine portion de la population n'a pas forcément d'avis ou pense
que ça peut être bien de voir justement s'exprimer une solidarité internationale.
Alors, qu'une large partie, et je dirais une majeure partie de la population, elle,
est vraiment contre toutes formes d'embellissement du mur et voit dans le
fait de venir peindre sur celui-ci une forme de normalisation du conflit
puisqu'il s'agit de venir rendre plus vivable,
un espace qui ne l'est pas puisque je vous rappelle qu'on est en face d'un mur de
béton qui fait huit mètres de haut et qui empêche complètement la circulation,
qui vient barrer le paysage visuellement, mais aussi physiquement puisque les
palestiniens ne peuvent se rendre hors de la ville palestinienne et se rendre en
territoire israélien que s'ils disposent de permis de passage qui sont liés à des
permis de travail très difficiles à obtenir.
>> Est-ce que tu as partagé cette lecture par les habitants du
lieu des interventions sur le mur avec les artistes qui venait le graffer, le tagger?
>> J'essaie de la partager, c'est toujours un peu délicat.
Je dirais qu'il y a un peu deux manières de faire dans ce que j'ai pu observer.
Il y a des artistes internationaux qui viennent et qui vont prendre
le temps de venir proposer par exemple des workshops avec des habitants,
qui vont venir un peu essayer de vivre au quotidien avec ces personnes.
Je pense notamment à deux graffeurs qui sont venus et puis qui ont proposé un
atelier de peinture à des enfants dans un camp de réfugiés.
Le camp de réfugiés de Aïda dont la portion de mur que vous avez vu se situe
très précisément à cet endroit.
Et là, il y a une forme d'intégration et de volonté de comprendre la situation
avant que de venir peindre sur ce mur.
En revanche, il y a aussi d'autres graffeurs qui pour le coup,
n'ont que faire de la situation et qui viennent faire une sorte
d'auto-promotion en venant peindre sur ce mur.
>> Et le mur qu'on voit dans ton film,
c'est pour ces constructeurs le dos du mur.
Je pense que l'atmosphère de l'autre côté est complètement différente.
>> Tout à fait et c'est un élément qui est très intéressant puisque la visibilité du
mur est vraiment complètement asymétrique.
Côté palestinien, et je viens de vous le dire,
parfois les fenêtres des maisons donnent directement sur le mur.
Pour le côté israéliens on est dans des stratégies complètemente différentes où on
est dans une forme d'invisibilisation du mur, avec des stratégies qui consistent
par exemple à recouvrir le mur avec des pierres, qui sont les mêmes pierres
que celles qui ont servi à construire la Jérusalem Céleste avec ses remparts.
Donc des pierres très blanches qui viennent atténuer cette impression de
mur et on peut avoir l'impression dans ce cas que on est en train de longer une
route d'autoroute, un mur qui viendrait longer une autoroute et pas
du tout qu'il s'agit du mur de séparation.
>> Le mur devient un élément d'un dispositif paysager d'une certaine
manière.
>> Tout à fait, il peut aussi être masqué ou un peu caché derrière des
plantations par exemple.
En tout cas pour ce qui est des quartiers israéliens,
qu'il s'agisse de Jérusalem ouest ou des colonies qui se trouvent à l'est,
il est très rare que le mur soit vraiment visible depuis ces endroits-là en fait.
>> D'un côté le mur est normalisé par les interventions graphiques,
de l'autre côté il est invisibilisé par des interventions paysagères,
est-ce pour ça qu'on voit beaucoup moins ce mur que le mur de Berlin?
>> Alors je suis pas sûre quant à savoir si on le voit moins que le mur de Berlin,
en tout cas il clair que ce qui se cache derrière ce mur c'est un système de
fragmentation et de séparation qui est bien plus vaste et quand bien même on
s'intéresserait à ce mur, comme un objet de la séparation,
il ne faut pas oublier que la séparation et la stratégie de contrôle des israéliens
sur la population palestienne, elle se trouve ailleurs, dans d'autres systèmes.
Par exemple, le système pour délivrer des permis et qu'on a affaire quand on parle
du mur à seulement l'un des artefacts d'un système qui est beaucoup plus complexe et
qui vient vraiment fragmenter des populations et supprimer
des droits à une portion de la population, à savoir la population palestienne.
>> Clémence Lehec, merci beaucoup pour cet entretien.
>> Merci. [MUSIQUE]