L'affirmation de pays qui ont connu le joug colonial,
qui ont connu des interventions, est dans un premier temps, affirmative de soi.
C'est une autre définition de la souveraineté,
et elle me semble importante, et le monde arabe, et c'est un paradoxe,
a eu cette vision extrêmement forte de cette conscience souveraine,
en même temps qu'il avait une vision globale d'appartenir à une nation arabe.
Alors comment on peut appartenir à une nation arabe et continuer à militer pour
des souverainismes étatiques en quelque sorte?
C'est une contradiction que le monde arabe n'est pas arrivé à gérer.
Un deuxième point sur lequel je voudrais insister,
vu du monde arabe, c'est la dimension culturelle de la souveraineté.
C'est-à-dire que de plus en plus,
et ça explique en partie la crise fondamentaliste, le souverainisme au fond,
c'est un pari qui dit, je regarde vers l'Occident pour prendre ses techniques,
mais je ne regarde pas vers l'Occident pour prendre ses valeurs.
Et en monde arabe, c'est un thème transversal très connu.
L'Occident se présente comme un pourvoyeur de culture,
mais comme un prédateur de civilisation.
Et du coup effectivement, la souveraineté apparaît comme une protection.
Et un troisième point, sur lequel je terminerai, c'est au fond,
oui pour aller au-delà de la souveraineté, oui du point de vue du monde arabe
pour aller vers un ordre plus juste, plus légitime, mais comment concilier cela
avec une intervention en Libye, deux interventions en Irak,
une intervention probable peut-être demain en Syrie, la guerre du Liban qui a donné
lieu à toutes sortes d'interventions, et donc on peut comprendre
que nous sommes dans un monde déphasé et décalé, où on assiste de plus en plus
à des crises-passions souveraines dues à une mémoire historique chargée.
Et la perception de cet univers, la perception qu'ont les arabes de l'univers,
du monde arabe, de l'univers arabe, au fond c'est aussi une manière déguisée,
de renvoyer une vision qu'ils ont de l'autre.
Toute perception de l'autre est conscience de soi aussi.
>> Merci Joseph.
On retient à ce stade de la discussion ce paradoxe que vous avez mis en évidence,
qui est que, plus un État est attaqué dans sa souveraineté,
plus il est souverainiste.
Et je crois que c'est une expression assez forte de toutes les incertitudes liées
notamment, comme vous l'avez mentionné, à la question de l'intervention.
Alors, on va retraverser la Méditerranée sur tout son long, on va retraverser
l'Atlantique, on revient vers le Brésil, donc vers le professeur Carlos Milani.