[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bienvenue. Nous aurons maintenant un débat sur la thématique de la mondialisation et les expériences de régionalisme dans le monde. Et nous avons ici donc cinq professeurs, Professeur Bertrand Badie de Sciences Po Paris, Professeur Cui Baoguo de l'Université de Tsinghua, Professeur Félix Peña de Buenos Aires, de l'Université Tres de Febrero, Professeur Joseph Maïla de l'Université de Saint-Joseph à Beyrouth et moi-même, Professeur Carlos Milani de l'Université de l'État de Rio de Janeiro au Brésil. 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Je pense qu'en Amérique latine, nous avons vécu l'idée d'un régionalisme très tôt dans l'histoire. Même au moment des indépendances des pays latino-américains, il y avait un idéal d'intégration latino-américaine inspiré par les idées de Bolívar ici, notamment en Amérique du Sud, donc c'est vraiment une idée d'intégration qui est née dans la région avec les indépendances de chaque État souverain pendant le XIXe siècle. Mais si nous prenons le moment historique qui est très important de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, je pense qu'on pourrait avoir trois moments historiques importants à partir de 1945 en termes d'expérience régionale en Amérique latine et qui concerne aussi le cas du Brésil. Il y a, en premiers moments, aux années 60, avec la création de l'Association latino-américaine de libre commerce, l'ALALC, à Montevideo en 1960, qui a essayé d'intégrer, par le biais du commerce, dans un moment qui n'était pas forcément très propice pour l'intégration, vu les différents cas de dictatures militaires dans toute la région. Puis, aux années 80, cette expérience d'ALALC a été remplacée par une nouvelle association d'intégration dans toute la région latino-américaine et qui existe jusqu'à maintenant. Elle s'appelle ALADI qui est aussi dans la même ville, capitale de l'Uruguay à Montevideo, en 1980. Mais je pense que les expériences les plus porteuses sont celles qui sont nées plus récemment. Et le cas de Mercosur me paraît relativement paradigmatique puisque le Mercosur célèbre la pacification des relations entre le Brésil et l'Argentine dans le Cône Sud et le lancement d'un nouvel élan en terme de régionalisme. Au départ, un régionalisme très ancré sur la dimension commerciale et économique, un moment de régionalisme ouvert sur le monde. Et puis, plus récemment, avec une dimension très politique dans cette intégration entre Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay, et plus récemment avec l'entrée du Venezuela. Et maintenant, nous avons des pays candidats comme la Bolivie, l'Équateur pour l'entrée dans le Mercosur. Il y a bien évidemment un hétérogénéité importante en termes d'expérience régionale ici en Amérique latine. je pourrais encore mentionner l'Organisation du traité de coopération amazonienne, je pourrais mentionner bien évidemment l'expérience récente de l'ALBA autour du Venezuela, l'Alliance du Pacifique avec le Mexique, le Chili, le Pérou et la Colombie, et peut-être que l'expérience avec une dimension hautement politique, que je voudrais mentionner, qui est celle de la communauté des états latino-américains et des Caraïbes qui, la première fois, représente la première fois que les pays de la région se retrouvent entre eux sans une dimension, sans la présence de la puissance nord-américaine et du Canada. C'est-à-dire, c'est une communauté des États vraiment d'Amérique latine et des Caraïbes, ce qui est, à mon avis, très important, avec une dimension hautement politique, avec l'intégration de Cuba dans le sein de cette communauté d'intégration. Voilà, je pense que c'est une autre vision sur les régionalismes. Pour nous, dans la région, le régionalisme n'est pas mort, le régionalisme persiste, il est important. Dans le cas particulier du Brésil, on ne peut pas concevoir l'intégration du Brésil dans le marché international, dans la politique international sans la présence de la région notamment sud-américaine. Merci. Et je passe la parole donc pour voir une autre vision sur les expériences de l'intégration régionale à mon collègue, mon cher collègue, Joseph Maïla, de l'Université de Saint-Joseph. >> Merci beaucoup, Professeur Milani. Je voudrais évoquer très vite devant vous, le cas du régionalisme en monde arabe. Je vais commencer par poser les quelques caractéristiques qui à mes yeux sont importants pour le comprendre. D'abord, ce régionalisme en monde arabe, il faut le rappeler ici, à été un régionalisme pionnier. Le premier régionalisme de la deuxième moitié du XXe siècle a été celui du monde arabe. La Ligue arabe a été créée le 22 mars 1945, c'est-à-dire quelques années avant le Conseil de l'Europe, quelques années avec l'Organisation des États Américains et quelques années avant le Comité du Pacifique Sud, organisation donc régionalisme pionnier. Deuxièmement, c'est un régionalisme qui a été porté par une très forte idée, une très forte conscience, celle d'appartenir à une Nation arabe, nationalisme arabe qui était né au début, à la fin du XIXe, début du XXe siècle. Et les six États qui créent la Ligue arabe et qui créent ce régionalisme, étaient vraiment portés par l'idée qu'ils seraient rejoints par d'autres États, d'autres nations arabes, une fois indépendantes. Et troisième idée aussi, qui me semble importante pour comprendre le destin de ce régionalisme, c'est que c'est un régionalisme fortement polarisé, il a été véritablement, à divers moments de l'histoire du monde arabe, soutenu par tantôt par la ligue arabe, tantôt par le Nassérisme et cette comparaison que je fais, qu'on peut faire avec d'autres régions du monde, dans le monde, montre que, au fond, ce n'est pas une spécificité, mais le régionalisme arabe a connu ces échecs ou l'une des raisons de son échec, du fait de cette très forte polarisation. Alors, quel bilan peut-on tirer? On peut tirer un bilan extrêmement mitigé. D'abord, dire les bonnes choses qu'a constituées ce régionalisme qui a été, ce régionalisme arabe. Le premier c'est d'avoir approfondi la conscience d'appartenir à une région plus grande, plus large que celle des États souverains qui avaient été créés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le deuxième, c'était au fond que la coopération économique n'a jamais véritablement pris et que c'était une des raisons essentielles de ce rapprochement, de la création de ce régionalisme. Et le troisième, c'était au fond que cet échec a été aussi un échec de la coopération politique et notamment de la résolution de certains conflits. Donc, on peut créditer à la fois, on peut trouver les bonnes raisons qui font que ce régionalisme a apporté un plus à cette région et en même temps réfléchir aux conditions de son échec. Alors, qu'est-ce qu'on peut tirer comme leçons de ce régionalisme arabe? La première c'est d'avoir approfondi des régions dans le régionalisme arabe. On va parler d'interrégionalisme plutôt que de régionalisme arabe puisque au sein de ce régionalisme a été créée une union, comme l'Union du Maghreb et qui a été créée aussi une coopération au sein des pays du Golfe, le CCG, 1981, qui fonctionne bien et qui montre même une évolution vers le rapprochement des pays du Golfe, des six pays du CCG. Donc, on peut considérer qu'il y a eu quelque chose de positif ici, bien que ce ne soit pas l'entièreté du monde arabe qui a été concernée mais cette région particulière du Golfe. Et si l'on veut véritablement réfléchir sur le régionalisme, essayer de tirer des leçons en perspective, en comparaison avec d'autres régionalismes, je dirais que ce régionalisme bat de l'aile pour trois raisons, essentiellement, et je terminerai là-dessus. La première a été au fond la force des clivages qui, au sein des nations arabes, n'a pas permis ce rapprochement pour plusieurs raisons. Des raisons essentielles qui tiennent au conflit israélo-arabe et aux différentes visions que les Arabes pouvaient avoir de ce conflit et de la manière de le résoudre. Il tient aussi, on l'oublie trop souvent, à une région qui était, deuxième raison, fortement pénétrée et sur laquelle a pesé le conflit des grandes puissances à l'époque de la Guerre froide et qui a fortement polarisé le monde arabe en plus de ses divisions internes. Donc, la force des clivages nationaux, deuxièmement un système régional qui est fortement pris dans la Guerre froide et qui est fortement susceptible de plusieurs interventions étrangères et de plusieurs influences étrangères. Et puis la troisième raison, c'est qu'au fond l'absence de coopération économique, si l'on fait abstraction de l'expérience réussie du CCG, a véritablement conduit ce régionalisme à connaître un ralentissement qui a été un ralentissement extrêmement fatal pour lui, parce qu'il n'a pas permis cette extension, la création d'un grand marché, l'expérience de l'UMA a été un échec de ce point de vue, il n'y a pas de relations économiques, j'allais dire Sud-Sud, entre les pays du monde arabe et les les pays du Maghreb. Mais il reste, bien entendu, un formidable espoir qu'ont montré les printemps arabes, qui ont véritablement montré un dynamisme, une prise de conscience aussi de la place du monde arabe dans la mondialisation et une nécessité de renouveler ou de faire en sorte qu'une approche démocratique puisse aussi contribuer à faire circuler les idées et la coopération au sein du monde arabe. Mais cela, bien entendu, c'est un projet pour l'avenir. >> Donc maintenant on va écouter professeur Bertrand Badie pour nous donner ses éclairages sur les expériences de ce régionalisme dans le monde actuel. >> Merci, cher président. Moi, je vais donner un point de vue différent et peut-être plus critique, plus pessimiste que mes collègues. Et peut-être aussi plus pessimiste que l'analyse que j'aurais pu faire il y a quelques années. Il y a quelques années, l'affaire était claire, le régionalisme c'était la solution, c'est-à-dire une façon de gérer la mondialisation. Aujourd'hui, on ne dit plus ça. Aujourd'hui, le régionalisme est globalement en crise. Ça ne veut pas dire qu'il va s'éteindre, ça ne veut pas dire qu'il est pas porteur d'espoir et de réalisations, mais il est en crise et il faut comprendre cette crise. Et pour moi, cette crise renvoie peut-être à trois éléments de réflexion qui s'appuient bien entendu sur l'expérience européenne, c'est peut-être pas un hasard si, en tant qu'Européen, je suis le plus critique et le plus sceptique, mais qui, je crois, s'appuie aussi sur d'autres réalisations et d'autres parties du monde. La première crise elle est institutionnelle. C'est-à-dire, on est arrivé au bout des possibilités institutionnelles en matière de gestion de l'intégration régionale. On a fait, en Europe en particulier, grande confiance aux institutions, l'Europe, la Communauté européenne, puis ensuite l'Union européenne se sont construites sur des inventions institutionnelles. Ces institutions, on ne parvient pas à les reformer et on ne parvient pas à les faire progresser et c'est déjà un signe de faiblesse. Et pourquoi cette crise institutionnelle, cette impasse dans l'invention de nouvelles institutions? Eh bien, probablement, parce que on est arrivé au maximum des possibilités d'abandon de souveraineté de la part des États. Créer de nouvelles institutions, c'est probablement mettre en danger les souveraintés ou ce qui reste de souveraineté dans chacun des États et c'est probablement pour cela que l'Europe ne cesse de devoir faire face à d'impossibles réformes institutionnelles. On est arrivé au bout des possibilités de cette formule bizarre que l'on appelait pool of sovereignties, ce pool de souverainetés, c'est-à-dire cette addition de souverainetés, lorsqu'on additionne trop les souverainetés, il y a un moment où elles ont tendance à se gêner les unes les autres. La deuxième raison, c'est une question de méthode dans la régulation. La régulation régionale a été basée, à partir du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sur l'idée d'union, d'association, en s'associant on est plus fort, l'union fait la force. Or, aujourd'hui, on s'aperçoit que l'association n'est plus une solution et que face à l'ampleur des problèmes rencontrés, face aux défis de la mondialisation, ce n'est plus l'association qui est nécessaire, mais c'est la solidarité. Passer du stakeholding, l'association, à la solidarité, c'est-à-dire accepter les problèmes, les faiblesses, les défauts de l'autre comme étant ses propres problèmes et ses propres défauts. C'est quelque chose qui est extrêmement difficile et on l'a bien vu en Europe, à travers la crise grecque, c'est-à-dire aider la Grèce, c'est faire de la charité ou c'est faire de l'association alors qu'aider la Grèce devrait être, en principe, la prise en charge directe, pour le bien de tous les membres de l'Union européenne, des difficultés rencontrées. La troisième raison, c'est qu'on assiste dans ce contexte, à un réveil des nations qu'on ne sait pas gérer. Mon collègue Joseph Maïla soulignait qu'il y avait l'idée d'une Nation arabe, il y a jamais eu idée d'une Nation européenne, je ne suis pas sûr qu'il y ait l'idée d'une Nation latino-américaine, je ne suis pas sûr qu'il y ait une idée d'une Nation asiatique. Le problème maintenant est tout entier. Poser, comment se fait-il qu'en Europe, les opinions publiques nationales soient de plus en plus défiantes à l'égard de l'Europe? C'est parce qu'elles ne comprennent pas l'Europe, parce qu'elles ne sentent pas représentées par les institutions européennes, parce qu'elles ont le sentiment, comme l'indiquent les sondages d'Eurobaromètre, que l'opinion publique ne peut pas véritablement peser sur les choix européens. Ce divorce qu'il y a entre la démocratie nationale et les institutions communautaires, c'est probablement une autre face grave de la crise du régionalisme. >> Merci beaucoup, professeur Badie. Je passe finalement la parole pour conclure notre petite table ronde sur mondialisation et régionalisme à mon cher collègue Félix Peña de Universidad Tres de Febrero. >> Merci beaucoup. Et je ne sais pas si je suis complètement d'accord avec le professeur Badie, dans le sens que je ne crois pas que le problème soit d'être optimiste ou pessimiste en relation au régionalisme. Je pense qu'aujourd'hui, en général, au moins en Amérique latine, nous avons une reconnaissance que le régionalisme, c'est une dimension Absolument [INAUDIBLE] de notre insertion internationale. La question, c'est de savoir si nous avons un régionalisme qui soit fonctionnel aux intérêts des divers pays ou non. Et pour ça, il faut tenir compte de la nouvelle réalité internationale. D'une certaine façon, ce débat sur le régionalisme est conséquence des changements qu'on est en train d'observer à la réalité internationale. C'est un complètement nouveau monde qui est en train de s'ouvrir, d'émerger. Et on ne sait pas en combien de temps nous aurons la transformation de l'ancien monde dans un nouveau monde, peut-être plusieurs années. Dans ce sens, en Amérique latine, il y a une reconnaissance tout d'abord que nous avons une expérience, et il faut profiter de cette expérience. C'est une expérience, dont Carlos a dit, pas nécessairement positive. Mais c'est une expérience. Nous savons déjà qu'est-ce qu'on doit faire pour préserver cette idée de gouvernance régionale, qu'est-ce qu'on ne doit pas faire pour préserver cette idée de gouvernance régionale. Nous savons déjà qu'il n'y a pas un modèle unique, disons au-delà des théories et des visions dogmatiques de ce que devrait être l'intégration ou le régionalisme. Nous sommes depuis vers les défis de définir une nouvelle méthodologie de travailler ensemble dans une région géographique. Et c'est un défi passionnant et nous devons, d'une certaine façon, contribuer au débat avec des idées, de comment le faire. Il y a eu en Amérique latine, dans les derniers mois ou des années, une initiative qui a pris beaucoup d'intérêt dans les pays, c'est l'initiative d'imaginer la convergence dans la diversité, c'est-à-dire de ne pas prétendre d'avoir un marché unique, un espace politique unique, une nation unie, mais de concilier la réalité de la diversité latino-américaine, et aussi de profiter de la diversité. C'est une diversité très riche et il faut tirer avantage de ce fait que nous avons de la diversité. Mais pour ça, il faut travailler d'une façon pragmatique. On ne peut pas imaginer l'unité du Mercosur avec l'Alliance du Pacifique. Mais oui, on peut imaginer plusieurs façons de travailler ensemble, dans différents secteurs, même en tirant avantage de l'expérience de l'Europe. Je finis avec seulement un exemple. En Europe, le programme Erasmus a été très très positif pour définir une région européenne. Peut-être, nous devons faire la même chose en Amérique latine. Merci. >> Voilà, nous venons >> de conclure ce débat autour des défis de la mondialisation et de son impact, de ses effets, sur les différentes expériences de régionalisme dans le monde. Vous avez pu voir que de l'Asie vers l'Amérique latine, de l'Europe vers le monde arabe, il y a parfois convergence, consensus, il y a parfois aussi opinion différente de la part des experts et des spécialistes en relation internationale. Je pense que la conclusion, c'est à vous de la tirer sur quel est l'avenir du régionalisme dans le monde, basé sur les différentes expériences régionales, diversité de ces expériences. Quel avenir pour les espaces d'intégration régionale dans le monde? Voilà. Nous concluons donc ce premier débat du MOOC Espace mondial. [MUSIQUE] [MUSIQUE]