Ce module porte sur la tendance universelle à produire ou à contester des frontières au nom du communautarisme et plus particulièrement de la reconnaissance de communautés basées sur l’homogénéité ethnique.
Le point de départ est résolument africain tant les débats concernant les frontières sur ce continent permettent de caractériser le paradigme essentialiste ethnique et racial dans lequel s’inscrivent les démarches ethnorégionalistes. En effet, tant la tentative coloniale aboutie à la cartographie exhaustive des ethnies africaines selon une approche exclusiviste et fixiste, que le débat postcolonial sur la nature des frontières africaines et les problèmes que poserait leur origine externe et arbitraire peuvent servir d’analyseur pour mettre en place le cadre conceptuel d’une approche critique de l’ethnorégionalisme et de ses frontières
Le module se déploit ensuite en envisageant trois situations ou types de situations qui nous amènent à préciser les arguments, les ressorts et les modalités dans lesquels s’inscrit cette tendance lourde de la géopolitique à différentes échelles et dans différents contextes politiques, géographiques et historiques. Ces situations sont des expériences historiques particulières ou des débats récurrents, il s’agit :
• De la politique d’apartheid et de son dépassement, ou comment une politique de systématisation des frontières coloniales entre colons et colonisés peut s’appuyer sur une conception ethnorégionaliste de l’organisation de l’espace et de la création de frontières à toutes les échelles. L’inertie remarquable du système et son statut actuel de référence en matière d’ordre ségrégatif révèle également son caractère prototypique.
• Des revendications territoriales ethnorégionalistes en Amérique latine et en Europe, ou comment l’indigénisme en Amérique latine et le régionalisme contemporain en Europe proposent la reconnaissance de frontières avec des arguments essentialistes sur les peuples autochtones couplés à une revendication de réparation historique dans un cas et de nationalisme légitime dans l’autre. La question des frontières y est ainsi vue au prime de "l’essentialisme stratégique" et de " l’égoïsme territorial".
• Des pseudos solutions frontalières ethnorégionalistes aux conflits contemporains, notamment en ex Yougoslavie. Les accords de Dayton qui mettent fin au conflit en Bosnie Herzegovine entérinent une approche ethnorégionaliste de la reconnaissance des territoires et des frontières légitimes au prix d’un nettoyage ethnique des lieux cosmopolites notamment urbains. A ce titre, ils posent le problème de l’institution d’un apartheid à des fins de pacification. Il est ainsi possible de revisiter les nombreuses propositions de solutions aux conflits géopolitiques par l’instauration de frontières ethniques avec une grille de lecture critique qui montre les biais des approches essentialistes et ethnorégionalistes.
Ce module est donc un voyage à travers des situations géopolitiques et des débats d’échelles et de temporalités différentes, qui éclairent les facettes et les enjeux de la revendication ou de l’instauration de frontières sur des bases ethniques, ce sont les ressorts de l’instauration d’apartheids contemporains dans différents contextes qui sont éclairés.